Point de vue – Philippe Hubert

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«  Je note la faiblesse des variations observables au fil du temps, même à l’occasion d’événements comme Fukushima ou les attentats terroristes : faut-il y voir une résilience de la perception ? »

Philippe Hubert pour le Baromètre IRSN 2017

 

La première réaction face à une enquête d’opinion est la méfiance. De fait, les quelques modifications de formulation portées dans le Baromètre IRSN ont généré des changements notables dans les réponses. Ce Baromètre est un outil qui se lit bien dans la durée et inspire une certaine confiance, car l’enquête menée chaque année a été réalisée généralement sur la base de verbatims stables et d’une méthode d’enquête constante. À cet égard, il pourrait être intéressant de tester en simultané deux méthodes – questions posées en face à face et par le biais d’un questionnaire sur Internet – afin d’identifier d’éventuelles différences dans les réponses obtenues avec, comme bénéfice collatéral, de consolider la comparaison à d’autres enquêtes.

Par ailleurs, j’ai constaté que, bien qu’elles soient contredites par les résultats du Baromètre et 40 ans d’études, beaucoup d’idées reçues circulent en matière de perception des risques (notamment le lien supposé entre fort risque perçu et méconnaissance du « risque réel », ou la supposée demande d’une parole unique de l’expert), au point que ce sujet pourrait faire l’objet d’un colloque ou d’une communication, pourquoi pas à l’initiative de l’IRSN.

Concernant plus particulièrement la 3e partie du Baromètre, ma première observation porte sur la faiblesse des variations observables au fil du temps, même à l’occasion d’événements comme Fukushima ou les attentats terroristes : faut-il y voir une résilience de la perception ? Une autre réflexion part de l’absence d’une métrique « objective » permettant d’établir des comparai- sons objectives entre des risques de natures aussi différentes que le terrorisme, l’obésité ou la pollution des lacs. Faute de grandeurs commensurables, les métriques données par l’opinion deviennent paradoxalement les seuls outils disponibles pour commensurer dans une logique de « fonction d’utilité ». Chiffrer l’ensemble des risques en valeur économique pourrait être une métrique concurrente, mais elle reste complexe et conflictuelle. La lecture de cette 3e partie du Baromètre m’a également conduit à m’interroger à observation porte sur la faiblesse des variations observables au fil du temps, même à l’occasion d’événements comme Fukushima ou les attentats terroristes : faut-il y voir une résilience de la perception ? Une autre réflexion part de l’absence d’une métrique « objective » permettant d’établir des comparai- sons objectives entre des risques de natures aussi différentes que le terrorisme, l’obésité ou la pollution des lacs. Faute de grandeurs commensurables, les métriques données par l’opinion deviennent paradoxalement les seuls outils disponibles pour commensurer dans une logique de « fonction d’utilité ». Chiffrer l’ensemble des risques en valeur économique pourrait être une métrique concurrente, mais elle reste complexe et conflictuelle. La lecture de cette 3e partie du Baromètre m’a également conduit à m’interroger à propos d’une éventuelle différence de perception des dangers relevant, d’une part, du principe de précaution et, d’autre part, de la prévention. Même si on relève quelques disparités pour ce qui concerne les perturbateurs endocriniens par exemple, on ne note pas de différences significatives. Un autre point intéressant est le lien entre mesurabilité et « vérité dite sur… ». Les conséquences de phénomènes tels que les accidents de la route, le sida ou les accidents domestiques apparaissent quantifiables directement, à la différence de celles de phénomènes tels que le bruit, les radiographies ou la pollution atmosphérique qui, bien que calculables, ne sont pas observables. Cela paraît assez lié au crédit accordé sur le sujet.

Je formulerai une dernière observation au sujet de l’incidence de l’agenda politique de l’incidence de l’agenda politique sur l’évolution de la confiance des Français dans l’action publique. Certains sujets comme la lutte contre les pesticides ou les perturbateurs endocriniens, qui ont suscité une forte activité gouvernementale, correspondent dans le Baromètre à une augmentation de l’inquiétude et une baisse de la confiance. En première lecture, la « mise sur agenda » ne restaure pas la confiance dans l’action des autorités… Peut-être est-ce une question d’échelle de temps ? La mise sur agenda est-elle soit trop tardive, soit en mesure de ne restaurer la confiance qu’à long terme ?

 

À propos de l’auteur

Philippe Hubert est directeur des risques chroniques à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), ingénieur de l’École polytechnique et de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique. Il a travaillé à l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) avant d’être nommé, 11 ans plus tard, conseiller technique pour l’énergie au ministère chargé de l’environnement. Il rejoint ensuite l’IRSN en tant que conseiller auprès du directeur général, puis l’Ineris en 2003.