Point de vue – Christine Noiville

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Le point de vue

S’il vient malheureusement confirmer l’érosion de confiance qui touche les institutions politiques et médiatiques, le Baromètre 2021 de l’IRSN est au contraire porteur de statistiques positives pour ce qui concerne d’autres institutions. Le HCTISN fait partie de celles-là et je m’en félicite.

Cette instance créée en 2006 par la loi TSN est à la fois considérée comme techniquement compétente (77 %) et comme une source d’information de confiance (72 %). Outre que ces chiffres attestent la visibilité croissante du HCTISN, ils montrent l’importance des structures pluralistes pour répondre aux attentes toujours plus grandes du public en matière de transparence et de participation. Elles sont d’ailleurs plébiscitées par les Français, dont 92 % les jugent utiles dans le Baromètre. Précisément, la force du HCTISN réside dans son indépendance et dans sa composition. Dans cette assemblée unique siègent en effet l’ensemble des acteurs du monde nucléaire, dans toute la pluralité des opinions et des domaines d’expertises que compte ce secteur – exploitants d’installations nucléaires, Autorité de sûreté nucléaire (ASN), commissions locales d’information (CLI), IRSN, services de l’État, associations de protection de l’environnement et de la santé, organisations syndicales et de salariés, parlementaires, personnalités qualifiées.

Ce faisant, le HCTISN est un lieu de discussion pluraliste, où les membres partagent des informations, s’interpellent, s’assurent du respect du principe de transparence au profit du public, identifient ce qui en limite et peut en améliorer la portée, formulent des avis en direction des pouvoirs publics et des exploitants, conçoivent des débats permettant au public d’avoir voix au chapitre. Avec l’ASN, les CLI, l’Anccli, l’IRSN, cette instance constitue un des rouages majeurs d’une transparence et d’une implication du public qui ont objectivement énormément progressé ces 20 dernières années, comme le montre, entre autres, la concertation inédite que le HCTISN a estimé indispensable d’organiser avec le public, en 2019, sur la phase générique du 4e réexamen périodique de la sûreté des réacteurs de 900 MW d’EDF. La poursuite de ces réacteurs au-delà de 40 ans de fonctionnement constituait pour lui une question technique et de société qui devait être posée et débattue non pas seulement entre exploitants, autorités publiques et cercles d’experts, mais aussi avec le public.

Mais si la transparence a indéniablement progressé, son maintien et son amélioration doivent rester un sujet de préoccupation permanent et exigent des efforts de chaque instant pour la consolider. C’est ainsi que dans son dernier avis, le HCTISN a formulé des recommandations visant à encadrer le secret en matière de sécurité nucléaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe selon lequel certains éléments relatifs à la sécurité nucléaire doivent être maintenus secrets dès lors qu’ils participent à la préservation d’intérêts légalement protégés – sûreté de l’État, sécurité des personnes ou des systèmes d’information, vie privée, secret médical, secret des affaires, etc. Le Baromètre 2021 montre d’ailleurs la tolérance des Français envers la protection de certains secrets, avant tout pour la lutte contre le terrorisme (69 %) mais aussi en cas de manque de certitude scientifique (67 %), ou même – de manière croissante – le secret industriel (49 %). Toutefois, le Haut comité a souhaité clarifier les critères de mise en oeuvre concrète de ces exceptions, de sorte que le secret ne constitue pas un argument trop commode, qu’il reste une exception et la transparence le principe. Dans la suite de ses travaux, le HCTISN sera également vigilant quant au secret de la défense nationale. Face aux dangers du terrorisme, c’est un secret dont nul ne remet en cause la nécessité. Mais à l’heure où une instruction est en préparation sur le secret défense en matière nucléaire, le HCTISN s’assurera que ce secret-là ne constitue pas non plus, à terme, un élément injustifié de régression de la transparence.

 

L’auteur

Christine Noiville est présidente du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Docteure en droit, elle est directrice de recherche au CNRS et directrice de l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne.