Énergie renouvelable et énergie nucléaire : étude des perceptions des étudiants de 11 pays et de leur volonté d’agir dans l’objectif de lutter contre le réchauffement climatique

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Énergie renouvelable et nucléaire : une étude internationale sur les croyances et la volonté d’agir des étudiants à l’égard des énergies

Renewable and Nuclear Energy: an International Study of Students’ Beliefs About, and Willingness to Act, in Relation to Two Energy Production Scenarios

Par Skamp, Keith, Boyes, Eddie, Stanisstreet, Martin & co
Publié dans Research in Science Education, 2019, Vol.49(2), pp.295-329

Cette étude multi-partenariale et internationale se penche sur le regard porté par les étudiants de 11 pays (Australie, Royaume Uni, Espagne, Grèce, Etats-Unis, Turquie, Inde, Canada, Brunei Darussalam, Singapour et Corée du sud) sur le réchauffement climatique, sur l’utilité perçue du recours aux énergies nucléaires et renouvelables en vue de lutter contre ces bouleversements ainsi que sur leur propension à prendre des mesures pour encourager leur adoption. Un des objectifs de l’étude est de savoir dans quelle mesure le niveau d’éducation impacte cette volonté de prendre des mesures concrètes et si des biais culturels peuvent expliquer d’éventuelles variations de comportement entre les différents pays.

Les auteurs partent du constat que l’éducation au respect de l’environnement prend une part de plus en plus importante dans les programmes scolaires. Une majorité de cette jeune génération prend conscience des réalités du changement climatique. Des points de vue conflictuels entre les avantages et les risques potentiels de la génération d’électricité d’origine renouvelable ou nucléaire perdureront sans doute, puisque ce sujet est régulièrement débattu dans le grand public. Ainsi se pose la question de savoir dans quelle mesure les jeunes générations, selon leurs différences culturelles, perçoivent l’impact d’un changement de ressources énergétiques (passer du fossile au renouvelable ou au nucléaire) sur le changement climatique et s’ils auront la volonté ou non d’agir concrètement dans ce sens.

Plus des trois quarts des étudiants (78%) sont « certains » ou « pensent » que le changement climatique aura bien lieu. Des nuances selon les pays sont tout de même à relever. Les étudiants indiens (88% d’adhésions), singapouriens (90%) et turques (93%) ont un niveau de conviction plus important que celui des étudiants du Royaume-Uni (61%), de Grèce (63%) ou des Etats-Unis (65%). Cela va de pair avec le niveau d’inquiétude ressenti à propos du réchauffement climatique. 74% de l’ensemble des étudiants s’estiment très ou plutôt soucieux. Là encore des différences significatives sont observées entre les pays dits occidentaux et les autres. Le niveau de préoccupation est plus exacerbé chez les étudiants du Brunei (91%), de Turquie (91%) et d’Inde (89%) que chez les Anglais (50%), Américains (53%) et Australiens (58%).

Les étudiants des pays occidentaux s’estiment être moins bien informés que les étudiants des autres pays : 48 % des étudiants grecs, 49% des Espagnols, 52% des Américains du nord ou 53% du Royaume-Uni estiment avoir des connaissances sur le réchauffement climatique contre 88% des étudiants turques, 84% des étudiants indiens et 80% des Singapouriens.

68% des étudiants pensent que privilégier l’énergie issue du renouvelable ou du nucléaire dans le mix énergétique serait efficace pour limiter le réchauffement climatique. Aucune différence significative n’est apparue selon le niveau d’étude. Cependant des différences significatives ont pu être observées ici encore entre les différents pays. Moins des deux tiers des étudiants de Grèce, de Turquie, et du Royaume-Uni estiment que l’utilisation d’énergie renouvelable pourrait contribuer à la réduction du réchauffement climatique « un peu » ou « beaucoup » alors que plus des trois quarts des Espagnols et Singapouriens le pense.

Cette même question mais tournée sur la prédilection de l’énergie nucléaire fait apparaitre que 48% de l’ensemble des étudiants estime son efficacité dans la lutte contre le réchauffement climatique sans différence significative selon les niveaux d’étude. Ici encore des différences significatives apparaissent selon les pays d’origine des étudiants. Les plus défiants sont les Espagnols (37% d’adhésion) ; les Australiens (38%) et les Grecs (38%) et les plus confiants sont les étudiants de Singapour (59%), de Corée du Sud (59%) et d’Inde (61%)

D’une façon générale les auteurs font la remarque que la production d’électricité émanant du nucléaire est moins acceptée par le grand public. Cela se confirme auprès des étudiants. Moins d’un sur deux privilégient l’énergie issue de l’industrie nucléaire contre 75% en faveur des énergies renouvelables. Les auteurs posent l’hypothèse que les accidents nucléaires de grande ampleur ont pu contribuer à une inquiétude générale de la population. Le public perçoit les risques engendrés par l’industrie nucléaire et ont « peur de l’inconnu » en termes de gestion des déchets nucléaires et des rejets dans l’environnement. Comprendre la thématique nucléaire dépend de la prise de conscience des risques et de leur probabilité. Cela implique de connaître ce sujet, pointu. D’autres études internationales réalisées sur des panels d’étudiants (de différents niveaux d’études) ont rapporté que d’un point de vue général les étudiants avaient des idées confuses à propos de l’uranium, de la radioactivité et sur la nature même de l’énergie nucléaire, ce qui peut expliquer cette tendance à ne pas prendre conscience des faibles teneurs en émission de CO2 de la filière nucléaire (comparativement aux énergies fossiles) et donc engendrer des croyances que le nucléaire favoriserait le réchauffement climatique.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC LE BAROMETRE IRSN

Le Baromètre IRSN s’intéresse également à la perception qu’ont les Français sur l’énergie nucléaire. Il propose en effet chaque année depuis 2013 de comparer les perceptions relatives aux différentes sources d’énergie afin de situer l’énergie nucléaire par rapport aux énergies renouvelables et fossiles. L’énergie solaire et éolienne reste encore en fin d’année 2018 les énergies répondant le mieux aux arguments environnementaux pour la population française, c’est-à-dire les moins polluantes et permettant le mieux de lutter contre l’effet de serre. Sur le thème de la lutte contre le réchauffement climatique, l’énergie nucléaire ne recueille que 9% d’adhésions contre 40% pour l’énergie solaire et 25% pour l’énergie éolienne.

Par ailleurs, l’accident nucléaire de grande ampleur est toujours craint par les Français. Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, malgré l’éloignement dans le temps, frappent toujours les esprits et restent en tête des évènements catastrophiques les plus redoutés. Depuis que la question est posée dans le Baromètre IRSN, la tendance est à la hausse pour l’accident de Tchernobyl. Le score est passé de 20 % en 2011 à 33 % fin 2018, soit une hausse de 13 points.

 

Retrouvez l’intégralité de l’étude via ce lien de téléchargement.