Point de vue – Ludivine Gilli et Cyrille Harpet

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La comparaison de la perception des risques d’étudiants en master Santé Publique à celle des Français

Cyrille Harpet

Ludivine Gilli

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au mois de mars 2019, un exercice pédagogique a été conduit auprès des 37 étudiants du master 1 en Santé Publique, parcours Sciences Humaines et Sociales de l’EHESP et l’université Rennes 1. Il s’agissait de comparer leur perception des risques à celle des Français, présentée dans le Baromètre IRSN.

Les étudiants ont tout d’abord classé individuellement les 35 situations à risque du niveau le plus élevé au niveau le plus faible (en 10 minutes). Nous avons ainsi recueilli 37 classements différents. Nous avons ensuite réparti les étudiants en 6 groupes (5 à 6 étudiants), avec pour consigne de renouveler le classement des risques après une concertation collective du groupe (20 minutes de concertation). Six nouveaux classements ont pu être recueillis.

Les résultats montrent à la fois des convergences et des divergences de perception entre les Français et les 37 étudiants de l’EHESP.

Dans le Baromètre 2019, les Français positionnent le cancer au niveau de risque le plus élevé parmi les 35 situations proposées[1]. Viennent ensuite le terrorisme et les pesticides. Le classement individuel établi par les étudiants installe aux trois premières places la pollution de l’air, les accidents de la route et la pollution de l’eau. Le premier enseignement est donc que le trio de tête des situations à risques perçus est totalement différent.

 

Les 5 risques les plus élevés pour les Français et les étudiants de l’EHESP : tableau comparatif

Classement

Baromètre IRSN


Classement

étudiant individuel


Classement

étudiant par groupe


1


Le cancer


La pollution atmosphérique


La pollution atmosphérique


2


Le terrorisme


Les accidents de la route


Les accidents de la route


3


Les pesticides


La pollution des lacs, des rivières et des mers


Les accidents domestiques


4


La pollution atmosphérique


La pollution des sols


L’alcoolisme


5


Le tabagisme des jeunes


Le cancer


Le cancer


Des points de convergence ressortent néanmoins clairement. Le tabagisme des jeunes, l’alcoolisme et les déchets chimiques apparaissent à des niveaux proches parmi les 10 situations au niveau de risque perçu le plus élevé par les deux échantillons. Il en est de même pour le cancer, les pollutions de l’air, de l’eau et des sols, ainsi que la drogue, même si les écarts de positionnement sont un peu plus grands. Les pollutions diffuses et les addictions sont donc positionnées de manière homogène par les Français et les étudiants de l’EHESP.

Les points de divergence sont toutefois nombreux. Deux situations se détachent particulièrement : le terrorisme et les accidents domestiques. Positionné au 2e rang par les Français, le terrorisme est classé 31e par les étudiants individuellement et 35e par groupe. Inversement, les accidents domestiques sont positionnés 32e par les Français et 14e par les étudiants. Ils remontent à la 3e place du classement par groupe. Les étudiants, sensibilisés au concept de risque, ont intégré dans leur classement la notion de probabilité d’occurrence de la situation à risque : élevée pour les accidents domestiques, faible pour le terrorisme.

Tableau comparatif : le classement des 35 situations à risque par les Français et les étudiants de l’EHESP

Plusieurs situations sont placées significativement plus haut dans le classement par les Français que par les étudiants. C’est le cas des retombées de l’accident de Tchernobyl (22e pour les Français, 35e pour les étudiants), les pesticides (3e-11e), les OGM (12e-22e), ou les installations chimiques (13e-19e).

D’autres situations sont placées significativement plus bas par les Français. C’est le cas des perturbateurs endocriniens (17e-8e), les accidents de la route (14e-2e), les risques médicaux (31e-21e, et 16e par groupe), le sida (23e-12e) et le radon dans les habitations (35e-27e).

Enfin, plusieurs situations qui ne se démarquaient pas ou peu dans le classement individuel des étudiants se distinguent fortement dans le classement collectif. Il s’agit du bruit (qui passe de la 26e à la 17e position entre les deux classements, les Français le positionnant 30e), des OGM (22e-26e-12e), des centrales nucléaires (17e-29e-15e), des déchets radioactifs (9e-23e-11e) et des déchets chimiques (10e-20e-10e).

Cette petite comparaison montre, à l’instar de l’étude PERPLEX de 2006, que les perceptions des Français et celles d’un échantillon plus averti ne divergent pas totalement. Le positionnement d’un nombre non négligeable de risques est proche. En revanche, certains risques sont jugés relativement plus importants par les « experts » que par les Français en général et réciproquement.

 

Les auteurs

Ludivine Gilli est chef du bureau de l’innovation de l’intelligence stratégique, de la prospective et des études à l’IRSN et à ce titre responsable du Baromètre IRSN. Elle est diplômée de Sciences Po et docteur en histoire.

Cyrille Harpet est enseignant-chercheur à l’EHESP en analyse du risque en santé environnement travail. Il est titulaire d’un doctorat en philosophie des sciences-épistémologie et d’un DEA en anthropologie sociale.

Retrouver l’intégralité du texte dans Les essentiels du Baromètre IRSN 2019, page 25.