LES FRANÇAIS ET LA PERCEPTION DES RISQUES ET DE LA SECURITE NUCLEAIRE
Publié en octobre 2018
Naît en 2016 dans la perceptive de la campagne présidentielle, Pop by BVA est une communauté citoyenne de plusieurs centaines de Français volontaires, non professionnels, non rémunérés et sélectionnés pour la diversité de leurs profils. Grâce à cet outil BVA peut identifier les clefs des débats qui peuvent agiter spontanément la population, mais aussi injecter des problématiques et analyser les réactions associées.
L’analyse présentée ici est issue des différentes discussions lancées et animées entre le 23 mai et le 14 juin 2018 autour des grands thèmes abordés dans ce baromètre.
A. L’ENVIRONNEMENT, PRÉOCCUPATION MAJEURE DES FRANÇAIS ACTIVANT DES OPINIONS ET REPRESENTATIONS PROCHES DE CE QUI EST OBSERVE SUR LE THEME DU NUCLEAIRE
Les questions économiques et sociales, en plus du terrorisme, sont les sujets principaux de préoccupations évoqués spontanément par la communauté. Mais à l’image des résultats de ce baromètre, les questions environnementales sont également particulièrement soulevées.
Ces questions sont abordées à travers deux axes, corrélés à l’actualité :
- Les changements climatiques : les effets des bouleversements climatiques sont l’angle de discussion privilégié lorsque le thème de l’environnement est spontanément évoqué. L’épisode orageux vécu en mai-juin 2018 dans certaines régions françaises, et les dégradations subies, ont alimenté les conversations ;
- « Les atteintes irréversibles à l’environnement me paraissent particulièrement préoccupantes. Le changement climatique dérègle les saisons (…) la biodiversité s’effondre à un rythme effroyable (…) partout dans le monde. »
- Les effets de la pollution de l’environnement sur la santé : la récente actualité autour du glyphosate a amené les membres de la communauté à débattre sur la question de la pollution industrielle et environnementale et des effets sur la santé (via l’alimentation).
Très rapidement lorsque le sujet de la pollution environnementale et les effets sur la santé est abordé, la question de la responsabilité des acteurs économiques, perçus comme défendant avant tout leurs bénéfices au détriment de la santé publique, est mise en avant, ainsi que l’impression d’un manquement des pouvoirs publics sur le sujet.
« Que les politiques arrêtent de bavasser car les problèmes de ce type on en parle depuis 40 ans mais on continue avec les pesticides (…) mais pas touche à certains car les lobbies veillent. »
Les décideurs politiques ne s’empareraient pas correctement du sujet et rapidement le doute de la connivence industriels/politiques ressort dans les verbatims. Ce point est particulièrement intéressant puisque le même mécanisme est à l’œuvre lorsque le sujet du nucléaire est abordé.
B. LE NUCLÉAIRE, SUJET IMPORTANT POUR LES FRANÇAIS MAIS TROP VOLONTAIREMENT ÉVITÉ OU AMENANT A UN DÉBAT MANQUANT DE SÉRÉNITÉ
Les représentations autour du nucléaire, la crainte que cette énergie fait ressentir et le difficile détachement par manque d’alternative, font naître deux sentiments principaux chez les membres de notre communauté :
- Une partie des membres de la communauté souligne que la thématique du nucléaire est traitée uniquement lorsqu’un problème surgit, ne permettant donc pas d’aborder les sujets de fond ;
- « On parle du nucléaire lorsqu’il y a des problèmes (intrusion dans centrale nucléaire, lors du tsunami à Fukushima). »
- Pour d’autres participants à la discussion, cette thématique ne bénéficie pas d’interventions et d’acteurs permettant un débat digne de l’enjeu jugé pourtant majeur. Si le sujet est assez, voire trop, abordé, il ne l’est jamais en des termes permettant un débat serein.
- « J’ai toujours l’impression d’entendre ou de voir dans les médias que des personnes qui sont pour le nucléaire ou des antis qui n’y voient que des défauts. Il est sûr que des personnes avec des avis très tranchés (…) font de bons moments de radio ou de télé mais de là à faire avancer les sujets… »
Par ailleurs si les membres de la communauté donnent volontiers des arguments sur le nucléaire, il est à noter que dans la majeure partie des cas les arguments pour et contre sont mêlés, comme si, finalement, c’est ce que les contributeurs attendent du débat public.
- Ces arguments portent avant tout sur le danger que représente cette énergie en cas d’accident, la problématique des déchets radioactifs, le faible coût et l’indépendance énergétique que permet le nucléaire ;
- Toutefois la conclusion de ce débat sur la place du nucléaire ne fait pas de doute pour la majeure partie des participants : cette énergie doit à terme être remplacée, se heurtant à des problèmes environnementaux insolubles (traitement des déchets notamment), avec un passage vers des énergies renouvelables à moyen ou long terme.
- « L’énergie nucléaire a permis à notre pays une certaine indépendance. C’est une technique de production faible en CO2 mais qui crée des déchets dont nous n’avons pas encore de technologie de retraitement efficace. (…) L’idéal est de multiplier les sources en particulier les énergies renouvelables !»
Concernant les installations en elles-mêmes, un sentiment de confiance se dégage parmi les participants même si deux craintes apparaissent spontanément :
- La sécurité des installations : rappelons que le terrorisme est une des principales préoccupations des Français et que les coups d’éclats de militants associatifs s’introduisant dans l’enceinte d’installations nucléaires mettent à jour des faiblesses en termes de sécurité ;
- La vieillesse des installations et la question du renouvellement de l’exploitation de certaines structures au-delà de la limite prévue.
C. UNE CONFIANCE ACCORDÉE AUX ACTEURS SCIENTIFIQUES ET ASSOCIATIFS MAIS UN DOUTE PERSISTANT SUR L’HONNÊTETÉ DES ACTEURS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES AU SUJET DU NUCLEAIRE
A l’image de ce qui ressort en matière de pollution environnementale et des effets sur la santé, les participants sont peu nombreux à faire confiance aux décideurs politiques et économiques. Pour comprendre cet état d’esprit, deux choses sont à prendre en compte :
- Le précédent de Tchernobyl a visiblement laissé des traces en matière de confiance dans l’information délivrée en matière de risque nucléaire ;
- La perte de confiance du grand public vis-à-vis des politiques. Si en matière nucléaire cette méfiance existe depuis les années 80, cette opinion a pris le dessus de manière générale, touchant également le personnel politique local jusqu’ici relativement protégé de ces effets d’opinion.
L’opinion à l’égard des acteurs les plus connus (EDF, AREVA…) est très ambivalente. S’ils sont reconnus pour leur compétence et leur savoir-faire, prédomine toutefois le sentiment que l’objectif de ces acteurs est uniquement financier. Les politiques à l’inverse sont jugés ni compétents ni acteurs de confiance, ce qui pose un réel problème de légitimité de l’action publique en matière de nucléaire.
« Je pense qu’il est raisonnable de douter d’une source qui aurait un intérêt financier, politique ou idéologique à orienter ses rapports dans une certaine direction »
Peu connus spontanément, les acteurs scientifiques, associatifs mais aussi les institutions perçues comme neutres (ni politiques, ni privées) bénéficient d’un crédit important auprès des membres de la communauté ayant participé à ces discussions.
Lancée auprès des membres de la communauté POP by BVA en mai 2018 et animée pendant plus de 3 semaines, cette séquence portant sur les préoccupations des Français et leur sentiment concernant le nucléaire a fait l’objet de recueil de verbatims particulièrement riches. Trois grands enseignements sont à retenir :
- Si le nucléaire ne ressort pas spontanément dans les discussions comme sujet majeur de préoccupation, la thématique de l’environnement et l’impact sur la santé publique a été particulièrement évoqué. Les membres de la communauté y ont apporté des points de vue que l’on a pu retrouver lorsque le dossier du nucléaire a été abordé, portant notamment sur la méfiance à l’égard des décideurs privés et publics en la matière.
- Les contributeurs reprochent aux acteurs concernés par le nucléaire de ne pas garantir un débat serein et nuancé sur le sujet. Une grande partie des membres de la communauté mêlaient arguments pour et contre tout en arrivant à une conclusion relativement partagée (sortie nécessaire du nucléaire, à moyen ou long terme). Finalement les participants à ces discussions semblaient reprocher aux décideurs de ce dossier de ne pas arriver à faire ce que eux pouvaient réaliser : débattre sereinement du sujet, et arriver ainsi à une conclusion acceptée par une grande partie d’entre eux.
- Un doute persistant à l’égard des acteurs politiques et privés, les membres de la communauté, à l’instar de ce que l’on observe dans les résultats de ce baromètre, n’arrivent pas à accorder leur confiance aux décideurs sur ce dossier.