Le point de vue
L’instantané que fournit le Baromètre IRSN offre un aperçu intéressant de l’opinion que les Français ont de l’énergie nucléaire en 2019. Il ouvre également des perspectives pour atténuer certaines de leurs préoccupations.
Le résultat le plus frappant du questionnaire concerne la comparaison de l’image des différentes sources d’énergie, qui place le nucléaire parmi les dernières de la liste. Les énergies renouvelables, parmi lesquelles le solaire (91,3 %), l’éolien (81,7 %), l’énergie hydroélectrique (78,4 %) et la biomasse (68,4 %) sont vues comme de « bonnes » sources d’énergie et positionnées nettement au-dessus du nucléaire (34,3 %). Même le gaz naturel (43,1 %) est mieux perçu. Bien que les Français n’aient pas été interrogés directement sur le niveau de sûreté qu’ils attribuent au nucléaire, certains résultats de l’enquête témoignent de leur préoccupation face au risque d’accident.
Etant donnés ce faible soutien à l’énergie nucléaire et les préoccupations quant aux risques qu’elle génère, le degré de soutien et de confiance des Français envers le dispositif de contrôle est paradoxalement impressionnant. De plus, il a encore augmenté en 2019. L’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN) et l’IRSN qui lui apporte un appui technique recueillent plus de 80 % d’adhésion en matière de compétence technique et plus de 70 % en termes de crédibilité. Ces organismes sont même perçus comme plus compétents et dignes de confiance dans leur domaine que les médecins.
Une filière nucléaire robuste a besoin d’une autorité de contrôle indépendante. Le public doit avoir la certitude que ses préoccupations sont prises en compte par le gouvernement à travers l’autorité de sûreté. Les acteurs du dispositif de contrôle doivent s’efforcer de préserver leur indépendance à la fois par rapport au monde politique et à l’industrie, de disposer de moyens financiers et humains suffisants et de bénéficier de l’appui du gouvernement quand il s’agit de prendre des décisions difficiles comme celle de fermer une installation pour des raisons de sûreté ou de sécurité. Bien entendu, ces données évoluent au fil du temps et l’autorité de sûreté doit tout mettre en œuvre pour s’adapter à leur évolution continue. Faute d’autorité de sûreté indépendante, un pays se rend vulnérable à des désastres économiques et sanitaires, comme le Japon et la Russie l’ont appris au travers des accidents de Fukushima et de Tchernobyl.
L’une des principales composantes d’une institution crédible en démocratie est sa capacité à être à la fois ouverte et transparente. La transparence consiste à expliquer clairement comment les décisions sont prises et à mettre à la disposition du public les documents qui les étayent. L’ouverture fait référence à la capacité à écouter différents points de vue sur un sujet donné. Ces deux éléments sont essentiels à la crédibilité de toute institution.
Comme le savent de nombreuses organisations et institutions gouvernementales, des années sont nécessaires pour bâtir crédibilité et confiance, qui peuvent être perdues en un instant si une décision malvenue conduit à des conséquences désastreuses. L’expérience récente de Boeing et de son 737-800 Max est un exemple de cas où il devient clair que des décisions prises afin de répondre rapidement à des commandes d’un nouvel appareil, combinées à un contrôle défaillant de l’autorité ont conduit à une perte de confiance du public à la fois envers Boeing et envers l’autorité de contrôle. Félicitations à l’ASN et l’IRSN, qui ont auprès des citoyens Français un haut niveau de crédibilité. Il est de leur responsabilité de maintenir dans la durée.
L’auteur
Allison Macfarlane est professeure de politiques publiques et d’affaires internationales à l’Université George Washington, où elle dirige l’Institute for International Science and Technology Policy. De 2012 à 2014, elle a présidé la NRC (Nuclear Regulatory Commission), autorité de sûreté nucléaire américaine. Elle a obtenu un doctorat en géologie au MIT.