Le sentiment d’injustice est-il plus fort aujourd’hui que par le passé ?
Étude menée par la métropole Grand Lyon en juin 2020
L’étude Sentiments d’injustice. Des inégalités à fleur de peau, produite par Aurélien Boutaud, est une analyse des écarts entre données objectives et subjectives en matière d’inégalité. C’est une méta-analyse qui reprend des sondages et études dont la chronologie s’étale de 2000 à 2017.
Le travail réalisé par l’auteur éclaire les résultats du Baromètre IRSN 2020 sur les préoccupations des Français en novembre et décembre 2019. Fin 2019, les principaux sujets de préoccupation des Français ont à nouveau connu des évolutions notables. « La grande pauvreté et l’exclusion » arrive désormais en tête devant le dérèglement climatique et le terrorisme. En 2018, cette réponse se trouvait en troisième position derrière l’insécurité et le chômage. Les questions sociales sont donc au premier plan et reviennent avec 20 % des réponses au point haut qu’elles avaient atteint en 2010, après la crise financière de 2008.
Or, l’étude Sentiments d’injustice révèle que si le sentiment d’injuste augmente en effet, les inégalités sont stables. La perception du public est que le sentiment d’injustice sociale et économique augmente, mais d’un point de vue statistique les inégalités de revenus sont restées globalement stables. Une exigence plus forte, des indicateurs défaillants… ou une perte de confiance dans l’avenir de la justice sociale. Les raisons sont multiples mais le Baromètre IRSN et l’étude Sentiments d’injustice sont formels : les inégalités préoccupent de plus en plus les Français.
L’appréciation de la perception des inégalités ne peut être pleinement comprise qu’en intégrant à l’analyse le contexte culturel. Le sentiment d’injustice n’est corrélé aux inégalités réelles de revenus. Les inégalités sont nettement plus fortes aux États-Unis qu’en France, pourtant le sentiment d’inégalité est plus fort en France qu’aux États-Unis. Les inégalités sont moins acceptées en France et en certains aspects surestimées, générant un fort sentiment d’injustice. Parallèlement, en France le sentiment de déclassement augmente et concerne presque que la moitié des Français malgré une évolution favorable, hier comme aujourd’hui, de la structure sociale et du niveau d’études. La croissance du sentiment d’injustice n’est donc pas principalement liée à une évolution socio-économique, mais à une perception différente de la société. L’auteur remarque que la croyance en l’égalité des chances est en déclin et propose la perception de l’inégalité des chances comme moteur du sentiment d’injustice.
Retrouvez l’intégralité de l’étude sur le site internet Millénaire3, la prospective à la métropole de Lyon.