Résumé du Baromètre 2015

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Le Baromètre IRSN accorde une large place aux questions environnementales. Celles-ci occupent en effet une position centrale dans les représentations au sujet des risques naturels et industriels, et parmi ceux-ci, les risques nucléaires. L’édition 2015 du Baromètre montre plusieurs mouvements significatifs qui méritent d’être signalés ici.

Les risques pour l’environnement

La forte augmentation des préoccupations au sujet du réchauffement climatique est un événement marquant de cette édition du Baromètre IRSN. Le changement de formulation1 a probablement eu un impact notable sur le niveau des réponses à ce sujet, mais il est également en accord avec la remontée, certes nettement plus lente, de l’absence d’émission de CO² comme un avantage du nucléaire. De plus, cette augmentation survient une année où ce thème occupe une place croissante dans l’actualité, avec notamment la publication d’un nouveau rapport du GIEC2 relevant l’alerte sur cette question et annonçant une hausse plus importante que prévue de la température moyenne à la surface du globe.

Il est notable que, dans cette édition, les préoccupations des Français en matière d’environnement se soient principalement concentrées sur des questions globales (réchauffement climatique et disparition d’espèces animales) préoccupantes pour le futur de la planète. Les catastrophes naturelles, si elles sont assez localisées, peuvent d’une certaine manière ressortir d’une logique plutôt globale : les plus importantes d’entre elles traversent les frontières et les océans (ouragans, cyclones, raz de marée), et surtout elles sont largement médiatisées, même si leur impact est circonscrit régionalement. Enfin, il faut remarquer que le seul problème global sur lequel les préoccupations baissent concerne la diminution de la couche d’ozone.

1 La modalité de réponse « l’effet de serre (réchauffement de l’atmosphère) » a été reformulée « le réchauffement climatique », expression correspondant à la même idée que précédemment, mais énoncée dans une expression en vigueur dans la sphère politique et médiatique. La mention de cette préoccupation bondit de 14 points en un an.
2 GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Évolution des préoccupations environnementales depuis 14 ans (Résultats cumulés des deux réponses possibles)

Les intitulés de modalités de réponse ont été modifiés. En 2004, « la pollution de l’air » au lieu de « la pollution de l’air dans les agglomérations » ; « l’effet de serre (réchauffement de l’atmosphère) » au lieu du « réchauffement de l’atmosphère » ; « la pollution de l’eau » au lieu de « la pollution des lacs, des rivières et des mers ». En 2014, le « réchauffement de l’atmosphère » a été remplacé par « le réchauffement climatique ».

Évolution des préoccupations environnementales depuis 14 ans


La gestion et le contrôle des installations industrielles à risques

Les risques environnementaux sont également abordés indirectement à travers la gestion des installations industrielles à risques. Suite à des accidents retentissants, dont les plus emblématiques sont l’explosion de l’usine Union Carbide à Bhopal, celle d’AZF à Toulouse ou l’accident industriel de l’usine Seveso, la conscience de ce type de risques est forte dans la population. Le Baromètre aborde ce sujet en étudiant la façon dont les citoyens souhaitent que ce type de risques soit contrôlé, et notamment dans quelle mesure ils pourraient être impliqués dans ce contrôle, soit indirectement au travers d’associations ou d’élus, soit directement, par exemple en participant eux-mêmes à des réunions d’information. L’idée de structures pluralistes réunissant experts, politiques, industriels et associations reçoit un soutien quasi unanime de la part de la population française : elle se sent concernée par la façon dont ce type de risques est considéré et contrôlé, et souhaite avoir un droit de regard à ce sujet.

Au-delà même de ce mode de participation indirecte, un Français sur deux se déclare disposé à participer à des réunions d’information sur les modes de gestion des installations à risques. Même si cette proportion est en légère érosion depuis cinq ans, elle reste tout à fait significative et indique bien une volonté forte des Français de montrer leur implication dans ces questions. Enfin, il convient de remarquer que la volonté de participation est plus forte dans les catégories occupant une position sociale élevée : personnes ayant des diplômes supérieurs, appartenant aux classes sociales aisées, résidant dans l’agglomération parisienne, âgées de 50 à 64 ans. Leur désir de participer au contrôle des installations à risques peut être vu comme un signe de plus de leur intégration sociale et de leur capacité à diriger leurs affaires dans tous les domaines.

Énergie nucléaire : les risques accidentels et les risques chroniques

Dans le domaine de l’énergie nucléaire, les risques font l’objet de débat depuis plusieurs décennies. Plusieurs types de risques sont en fait évoqués : la contamination autour des centrales nucléaires, par exemple celle des nappes phréatiques ou des produits agricoles, les risques sur la santé, principalement le cancer, mais aussi le risque d’une explosion ou d’un incident grave sur un site nucléaire – accident, illustré par les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima. En fait, ces risques discutés dans le cadre du débat sur les centrales nucléaires peuvent être classés en deux grandes catégories : risques chroniques, c’est-à-dire liés au fonctionnement courant du site nucléaire, et risques accidentels, se rapportant à un événement dramatique survenant sur un site, notamment une centrale nucléaire. Les attitudes de la population sur ces deux types de risques sont assez différentes.


92 %
Des Français estiment que les responsables des sites nucléaires doivent protéger leurs installations de tous les risques, même ceux qui sont jugés très improbables

Le risque accidentel apparaît fortement redouté, du fait de son potentiel de nuisance : pour la quasi-totalité des Français, si un accident se produisait dans une centrale nucléaire, il pourrait avoir des conséquences très graves. Et ce danger ne leur semble pas du tout impossible : près des deux tiers d’entre eux estiment qu’un accident de même ampleur qu’à Fukushima pourrait se produire en France. Cette crainte, très forte immédiatement après l’accident survenu dans la centrale de Fukushima-Daïchi, a reculé en 2012 et 2013, mais la nouvelle édition du Baromètre IRSN montre que ce recul a cessé à ce niveau. La crainte provoquée par le souvenir d’accidents nucléaires comme ceux de Tchernobyl ou de Fukushima reste très importante : ces deux événements sont ceux qui paraissent les plus effrayants parmi différentes catastrophes évoquées. En définitive, et même si de tels événements peuvent sembler improbables, leurs conséquences potentielles sont perçues comme suffisamment graves pour que les Français demandent à ce que toutes les précautions soient prises pour éviter de tels risques.

Certains risques chroniques sont également fortement redoutés. Par exemple, près de deux Français sur trois estiment que les sites nucléaires peuvent contaminer les nappes phréatiques. Une proportion équivalente des Français juge que « la radioactivité des centrales nucléaires provoquera des cancers », et cette proportion a même sensiblement augmenté au fil du temps : elle a gagné 19 points depuis 1988 sans qu’aucun accident ou résultat scientifique expliquent cette hausse. D’autres risques chroniques déclinent dans les représentations : la proportion de personnes qui s’opposent à l’idée qu’autour des centrales nucléaires les habitants sont en aussi bonne santé ou que les produits sont aussi bons qu’ailleurs a diminué au cours des dernières années pour revenir au niveau de 2007 en ce qui concerne la santé (pas de question avant 2008 pour les produits agricoles).

Bien qu’elles soient logiquement indépendantes, ces deux catégories, risques accidentels et risques chroniques, semblent entretenir des rapports dans les représentations des Français au sujet de l’énergie nucléaire. Risques chroniques et risques accidentels évoluent en effet en sens inverse : quand l’un augmente, l’autre diminue. La fluctuation des risques accidentels peut être mise en rapport avec la survenue d’événements de cette nature : soit des catastrophes comme ce fut le cas à Tchernobyl et à Fukushima, soit des incidents de moindre gravité, comme pour Socatri1 en 2008, mais qui ravive les inquiétudes au sujet d’accidents plus sérieux. Lorsqu’un événement de cette nature survient, les inquiétudes au sujet du risque accidentel remontent et les risques chroniques semblent relativisés. Lorsque l’événement s’éloigne dans le temps, le risque accidentel marque un recul et les inquiétudes sur les risques chroniques remontent, se rapprochant de celles concernant l’accident.


Évolution dans le temps de deux des arguments négatifs : les accidents de Fukushima et de Tchernobyl 5 et les déchets radioactifs

Évolution dans le temps de deux des arguments négatifs : les accidents de Fukushima et de Tchernobyl 5 et les déchets radioactifs


Le radon dans les habitations

Dans cet univers de risques aux conséquences potentielles graves, le risque diffus et chronique relatif au radon dans les habitations passe au second plan. Il est d’abord mal connu par la population : quelle que soit la dimension considérée (niveau de risque, confiance, crédibilité des informations), une proportion importante de la population (une personne sur quatre ou sur cinq) ne se prononce pas. Cette méconnaissance est confirmée par des questions plus spécifiques posées à ce sujet : seulement une personne sur six paraît avertie de ce risque, et une proportion équivalente se sent concernée. Le radon dans les habitations apparaît également comme un risque mineur dans la mesure où, même parmi ceux qui se prononcent à ce sujet, peu le voient comme élevé ; c’est le risque le moins élevé parmi les 34 étudiés, même en tenant compte du fort pourcentage de non-réponses. Les perceptions relatives à ce risque sont toutefois peu positives sur les dimensions de la confiance et de la crédibilité des informations.

Pour finir, il convient de remarquer que, bien qu’apparaissant comme mineur, le risque radon appartient bien, aux yeux des Français, à l’univers des risques contre lesquels ils souhaitent être protégés. En témoigne le fait qu’un Français sur trois serait favorable à ce que ce risque soit mesuré dans son habitation, soit deux fois plus que le pourcentage de personnes se sentant concernées. Au-delà d’un possible effet d’opportunité, cette importance relative de l’adhésion à l’idée de mesurer le radon dans sa propre habitation rend compte du besoin que des actions soient engagées à partir du moment où un risque est signalé. Comme le montre une analyse spécifique présentée dans le corps du rapport, la conscience du risque favorise l’intérêt pour cette mesure du radon.


1 SUR 3
Un Français sur trois est intéressé par l’idée d’effectuer
la mesure du radon dans son habitation.

60 %
de Français ne sont pas en faveur d’une mesure radon
imposée par l’État.

Les préoccupations non environnementales

La principale préoccupation des Français reste le chômage, qui est mis en avant par près d’un sur deux d’entre eux. Il faut remonter à 1999 dans le Baromètre pour retrouver une proportion aussi importante de personnes préoccupées par ce sujet. Le niveau des craintes concernant le chômage est d’autant plus manifeste que les autres préoccupations économiques évoquées, comme la misère et l’exclusion, d’une part, et les conséquences de la crise financière, d’autre part, tendent à décliner.En dehors du chômage, le Baromètre IRSN 2015 est marqué par la remontée sensible des préoccupations au sujet du terrorisme : + 11 points en un an, soit une proportion qui a plus que doublé par rapport à l’enquête précédente (8 %). Cette hausse prend place dans une tendance à une accentuation de l’importance du terrorisme dans les risques perçus, depuis quatre ou cinq ans :

  • augmentation de 19 points par rapport à 2009 de la proportion de personnes estimant que les risques sur le terrorisme sont élevés ou très élevés ;
  • augmentation de 9 points par rapport à 2009 de la proportion de personnes estimant que le risque de terrorisme est un motif légitime pour ne pas diffuser des résultats d’expertise sur des installations à risques.

Bien que cela ne soit pas possible pour tous les sujets évoqués, l’IRSN s’efforce de rechercher des points de comparaison pour estimer dans quelle mesure les préoccupations exprimées par la population constituent une appréhension fiable de la réalité. Sur trois points au moins, des confirmations peuvent être trouvées dans des données exogènes :

  • les préoccupations en matière de chômage suivent de près l’évolution de la courbe du chômage en France (voir le graphique présenté dans le Baromètre IRSN 2014) ;
  • la baisse des préoccupations sur l’insécurité observée cette année est confirmée par des données de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ;
  • la hausse des préoccupations sur les catastrophes naturelles peut être mise en correspondance avec l’augmentation du nombre d’arrêtés de catastrophes naturelles depuis plusieurs années.

L’image de la science

Après avoir connu des niveaux assez élevés au milieu des années 2000, la confiance dans la science s’est dégradée assez sensiblement jusqu’en 2013. En 2014, elle semble légèrement se restaurer : moins d’un Français sur deux déclare avoir plus confiance dans la science qu’il y a 10 ans. Parallèlement, une majorité relative de la population adhère à l’idée que le développement de la science et des technologies génère plus de bénéfices que d’effets néfastes, et repousse l’idée que ce phénomène crée plus de risques qu’il n’en supprime. Si les Français pris collectivement semblent loin d’une vision idyllique de la science, la coloration générale apparaît ainsi plutôt positive.L’image de la science varie notamment en fonction de deux déterminants : l’âge et le niveau d’instruction. Parmi les différentes classes d’âge, ce sont les seniors (65 ans et plus) qui se distinguent le plus : ils sont davantage convaincus que le développement de la science génère plus de bénéfices que d’effets néfastes. En même temps, ils ont une vue un peu moins positive des experts : ils les voient notamment, plus souvent que le reste de la population, comme trop spécialisés pour avoir une vue large d’un problème. D’un autre côté, les diplômés du supérieur tendent davantage que le reste de la population à avoir une bonne opinion des experts et à s’opposer à l’idée que le développement de la science crée plus de risques qu’il n’en supprime. Ces deux catégories de la population bien distinctes se démarquent ainsi par un discours spécifique et plutôt positif sur la science. Il est probable que deux représentations sont à l’œuvre, dans la mesure où ces deux catégories sont assez différentes, le niveau d’éducation tendant à diminuer avec l’âge. Du côté des seniors, leur image de la science peut être le reflet d’attitudes anciennes ou d’une opinion assise sur leur vécu des avantages ou inconvénients de la science, les perceptions à ce sujet ayant sensiblement évolué depuis dans un sens plus critique. Du côté des plus diplômés, leur image assez positive de la science est, indirectement, une valorisation des études qu’ils ont effectuées.