Genèse
La réalisation et l’analyse d’enquêtes nationales sur la perception des activités nucléaires, et en particulier de l’électronucléaire, ont commencé en 1977. A cette époque, ces enquêtes étaient menées pour la plupart en collaboration avec des organismes et entreprises comme EDF, Cogema ou l’association Agoramétrie.
De 1977 à 1990, l’Institut a utilisé le référentiel de l’association Agoramétrie qui comparait le nucléaire non pas aux autres énergies mais à d’autres sujets de société qui font controverse. Ce référentiel permettait de comprendre les opinions en cherchant à faire apparaître la symbolique associée aux centrales nucléaires.
En 1990, l’Institut décide de mettre en place un baromètre de l’opinion sur la perception des risques et de la sécurité, dénommé « Baromètre IRSN sur la perception des risques et de la sécurité par les Français ».
Méthodologie
Tous les ans, le Baromètre IRSN présente les résultats d’une enquête réalisée par un institut de sondage auprès d’un échantillon national représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La méthode retenue pour assurer une bonne représentativité de la population française est celle de la méthode des strates et des quotas. De 1990 à 2019, l’enquête a été réalisée en face-à-face au domicile des personnes interrogées. En 2020, pour la production du Baromètre 2021, le mode de passation a changé et l’IRSN a adopté la méthode CAWI des enquêtes réalisée sur internet. Ce changement a permis de doubler la taille de l’échantillon représentatif, d’environ 1000 personnes à environ 2000.
Pour analyser l’évolution des opinions en matière de risque nucléaire au cours de ces années et à la lumière d’événements significatifs comme les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima, le Baromètre IRSN aborde en premier lieu les sujets qui préoccupent la société (le chômage, la crise financière ou encore le sida, les accidents de la route, la pollution atmosphérique, etc.) puis un ensemble des risques dont le risque nucléaire. Il resserre ensuite son analyse sur la perception qu’ont les Français des centrales nucléaires et des déchets radioactifs, avant de se pencher sur la perception par le public du système de maîtrise du risque nucléaire.
Durant toutes ces années, l’IRSN s’est attaché à maîtriser les évolutions du questionnaire et de la méthode d’enquête afin de permettre une véritable mise en perspective dans le temps.
Les principaux enseignements du Baromètre IRSN
Une opinion publique française relativement stable à l’égard du nucléaire
Le « palmarès » des risques perçus demeure globalement inchangé depuis 30 ans à deux exceptions notables près :
- « Les accidents de la route », souvent cités en premier comme situation dangereuse avant 2002, reculent au huitième rang des risques perçus depuis 2011, avec une progression remarquable de la confiance dans l’action conduite par les pouvoirs publics dans ce domaine.
- « Les retombées radioactives en France de l’accident de Tchernobyl » pour lesquelles on constate une situation inverse : en effet, loin de s’estomper avec le temps, la défiance dans l’opinion est toujours aussi importante depuis 1986.
Une hiérarchisation plutôt rationnelle des risques par les Français
Les Français discernent, de façon assez fine, les différents types de risques, qu’ils placent cependant tous derrière leurs préoccupations de nature économique (chômage, exclusion…) :
- Les comportements individuels : sida, obésité, alcoolisme, drogue, tabagisme sont considérés comme générant un risque élevé, mais plutôt bien pris en compte par les politiques publiques.
- Les pollutions diffuses : retombées radioactives en France de l’accident de Tchernobyl, radioactivité, pesticides, pollution de l’air ou de l’eau, OGM sont perçus comme présentant des risques élevés ou moyens, avec des scores très faibles en termes de confiance dans l’action publique et de crédibilité des informations mises à disposition.
- Les risques technologiques attachés à des sites identifiables : installations chimiques, déchets radioactifs ou chimiques, centrales nucléaires, incinérateurs de déchets ménagers… viennent globalement en troisième position avec, là aussi, un déficit de confiance dans l’action des pouvoirs publics et dans l’information.
À signaler, ici, les centrales nucléaires, qui constituent une exception relative, avec un taux de confiance supérieur à la moyenne. - Les risques non industriels : canicule, accidents domestiques, inondations, bruit… sont réputés plutôt faibles, avec un niveau de confiance dans l’action conduite au-dessus de la moyenne.
Pour les Français, la gestion des risques doit reposer sur la transparence, le pluralisme et l’indépendance de l’expertise
Les Français sont, dans leur immense majorité (tous les ans près de 90 %), en faveur du développement de structures de concertation pluralistes rassemblant décideurs politiques, experts scientifiques, industriels, associations et citoyens afin de contribuer à l’évaluation des risques et à leur maîtrise. Le public juge normal que les experts scientifiques aient des avis différents ; il n’est pas en attente d’une vérité simplifiée ou d’un consensus obligé.
L’accident de Fukushima : un choc au sein de l’opinion et un accident qui reste dans la mémoire collective
Dans l’édition 2012 du Baromètre IRSN qui a suivi l’accident de Fukushima de mars 2011, tous les indices liés aux centrales nucléaires ont varié, pour atteindre parfois leur record historique. Les Français n’ont jamais été aussi nombreux (55 %) à juger élevé le risque des centrales nucléaires et aussi peu (24 %) à accorder leur confiance aux autorités. Seul échappe à cette dégradation l’indice de confiance sur la crédibilité des informations diffusées ; les Français sont autant que l’année précédente (15 %) à penser que la vérité est dite au sujet des dangers des centrales nucléaires. À plus de 60 %, les sondés jugent important d’informer les Français, dans le détail, au fur et à mesure du déroulement d’une crise, et ils souhaitent à plus de 80 % une évaluation pluraliste de la sûreté des installations nucléaires impliquant les parties prenantes et des experts internationaux.
Enfin, 90 % sont d’accord avec la proposition « Les responsables de sites nucléaires doivent protéger leurs installations de tous les risques, même ceux jugés très improbables ».
Dans les éditions qui ont suivi, certains de ces indicateurs ont diminué mais sans atteindre les taux atteints avant l’accident.